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XI – Mutants charognards ¥

 

Kaldor Byron observe la Pierre de Souffrance, dont la surface sombre est parcourue de reflets colorés, qui se tordent et prennent la forme de visages torturés. Il est fasciné par la puissance qu’elle renferme, et par son aura de néant. Il songe aussi à la meilleure manière d’utiliser une telle puissance…

Alors que les pilotes des Frelons manœuvrent pour éviter l’amas rocheux qui se présente devant eux, préférant voler en terrain découvert afin de pouvoir repérer d’éventuels assaillants, deux détonations tirent Kaldor Byron de sa rêverie. Il se relève et observe les alentours, pour voir deux missiles se diriger vers le convoi à grande vitesse, en provenance de la colline rocailleuse qu’ils viennent de dépasser.

« Attention ! A tribord toutes ! »

Les conducteurs de véhicules antigrav réagissent aussi rapidement que possible, et parviennent à éviter l’un des projectiles qui explose au sol, sans causer aucun dommage. Mais la seconde ogive percute la rambarde arrière d’un des vaisseaux de plein fouet, détruisant du même coup son système de stabilisation.

Kaldor Byron regarde avec une certaine fascination la machine plonger en direction du sol, comme une feuille morte plaquée par le vent une nuit de tempête. Déjà des bruits de moteurs grondent au loin derrière eux, et il ordonne à son pilote de faire demi-tour. Il n’a pas le droit de laisser un de ses clients mourir, cela risquerait de nuire sérieusement à sa réputation. Les autres pilotes commencent à faire demi-tour, à la commande de leurs passagers survoltés, mais il leur envoie l’ordre de se tenir à une bonne distance, prêts à réagir à toute menace.

Son propre vaisseau amorce la descente alors qu’il se saisit de son fusil à lunette. C’est son préféré : du genre capable de perforer un blindage de vingt centimètres d’épaisseur et réduire en bouillie la personne qui se trouve derrière. Il a payé ce petit bijou une fortune sur le marché noir, mais les différents contrats qu’il a pu remplir grâce à lui ont largement rentabilisé l’investissement.

Il pose l’œil contre la lunette de visée, et distingue la horde vociférante qui se rapproche à toute vitesse. Des hommes déformés, aux couleurs maladives, brandissant toutes sortes de flingues et d’armes primitives. Certains sont montés sur des bécanes encore plus rouillées qu’eux, et s’entassent à plusieurs sur un même véhicule pour pouvoir faire feu tout en avançant. Des mutants de Rotten Hole, la ville-décharge située au pied du Rempart, qui abrite tous les pires parias de la zone. Evidemment ils doivent faire preuve d’imagination pour survivre, mais… comment ont-ils pu fabriquer ou se procurer de tels équipements ?!

Déjà de nouveaux tirs de roquettes partent, et sont esquivés avec dextérité par le pilote de Kaldor Byron, le meilleur parmi tous ceux qu’il a recrutés. Malgré le balancement du Frelon, il peut faire mouche sans problème. Il ferme les yeux, et son aura se fond avec l’âme métallique de son arme. Chaque ennemi est une petite lueur rouge qu’il lui faut éteindre. Il fait feu une première fois, et l’un des équipages vole en l’air, privé de moyen de locomotion, celui-ci venant juste d’exploser sous leurs fesses. Il tire à nouveau, et arrache la tête de trois mutants malchanceux alignés sur une même selle, leur engin continuant sa route comme si de rien n’était.

Une rafale lui répond, puis une autre : les créatures sont arrivées à portée de tir. En une fraction de seconde il échange son fusil contre un autre de calibre plus léger, mais tout aussi meurtrier : le CoX-M2, modèle « Headshot ». S’il ne peut pas tous les abattre, il doit sauver son client et fuir dans un endroit plus sûr. Les balles sifflent à ses oreilles alors qu’il saute sur le sol, et fait feu tout en se jetant à l’abri du vaisseau abattu. Malgré la tension du moment, ses rafales sont d’une précision inouïe et jettent à terre de nouveaux mutants, la boîte crânienne arrachée. Il pose le regard sur la personne qu’il est venu sauver : Roh Phaelix !

« Tiens! Défends ta vie ! » lui lance-t-il en même temps que son arme.

L’ex-gladiateur l’attrape, le caresse, et une intense lueur de plaisir brille dans ses yeux.

Des morceaux de cervelles tombent au sol.

Kaldor Byron murmure une incantation, alors que la pluie de balles et autres projectiles s’abat autour d’eux. Une explosion se fait entendre : son propre Frelon est touché de plein fouet par une roquette, et s’abîme violemment à quelques mètres de là, réduisant ainsi considérablement leurs chances de survie.

C’est le moment de passer aux choses sérieuses.

L’énergie de la Pierre de Souffrance, posée contre son cœur, afflue brutalement dans tout son être, et transcende son esprit en un nouvel état de conscience. Kaldor Byron hurle de rage et de douleur, et tente de contenir la déferlante de pouvoir. Il brûle de l’intérieur, d’une souffrance qu’il lui faut transmettre s’il ne veut pas mourir. Il tire une lame noire de sous son manteau, qui crépite d’énergie maléfique dans l’attente du massacre.

 

Au loin, très loin, Phoebos perçoit une vague impression de déjà-vu. Comme si l’aura noire se déployait de nouveau quelque part, souillant l’univers qui l’entoure. Mais la sensation reste extrêmement faible, et il se reconcentre immédiatement sur sa tâche du moment : chasser de quoi se nourrir, pour lui et ses deux compères.

 

Kaldor Byron s’élance par-dessus le véhicule endommagé, dont la carlingue commence à tomber en miette sous le feu de l’ennemi. A mi-chemin entre rêve et éveil, il voit les balles passer en dessous de lui à une vitesse ridicule, telle qu’il pourrait sans problème en saisir une en plein vol.

Son saut l’a projeté beaucoup plus loin que prévu : il retombe au beau milieu des mutants, qui continuent à appuyer sur l’accélérateur et la gâchette comme des forcenés, incapables de suivre ses mouvements. Décidément, l’énergie emmagasinée dans la Pierre de Souffrance ne cesse de s’accroître, lui fournissant plus de puissance à chaque utilisation. Le prix à payer et le contrecoup augmentent également, mais ce n’est pas le moment d’y penser.

Le massacre commence : la lame s’abat inlassablement, les têtes volent avec une rapidité déconcertante, les créatures impuissantes sont décimées les unes après les autres. Leurs véhicules hors de contrôle se percutent avec violence. Au milieu de la mêlée, Kaldor Byron aperçoit son adversaire le plus menaçant, mais décide de garder le meilleur pour la fin.

 

Roh Phaelix commence tout juste à faire feu. Sous l’effet de l’excitation, mêlée à une terreur malsaine, il vient d’avaler ses six dernières pilules hallucinogènes d’un seul coup, et un important filet de bave coule sur son menton, puis dégouline sur sa poitrine. Alors qu’il appuie sur la gâchette, l’arme se met à trembler dangereusement entre ses mains malades, et balaye les rangs des mutants les plus proches.

Au milieu des distorsions de la réalité, il aperçoit une créature gigantesque qui fonce sur lui, au volant d’un véhicule qui rugit comme un démon. Ses formes sont floues, mais il sent que c’est la mort en personne qui vient le chercher. Il laisse tomber son arme au sol, écarte les bras et s’avance, prêt à recevoir cette dernière étreinte. Alors que la chose aux contours vagues semble sur le point de le couvrir entièrement, un éclair de lumière l’emporte.

Puis Roh Phaelix est traversé par une sensation étrange, comme si quelque chose venait de se briser au plus profond de son crâne. Il tombe lentement à la renverse, alors qu’une douleur inimaginable, telle que son esprit malade n’aurait jamais pu concevoir, lui déchire les entrailles et la cage thoracique, avec pour origine son cœur disloqué. Au moment où il touche le sol il est déjà mort, un sourire crispé en travers de son faciès saturé par les drogues.

 

Kaldor Byron roule au sol avec le mutant et sa moto trafiquée, mais en une fraction de seconde il se redresse, prêt à se battre. Il vient d’empêcher son client de finir dépecé par l’énorme scie circulaire greffée au bout de l’un des bras de l’imposante créature, facilement identifiable comme étant le chef des assaillants. Ce dernier roule plus lourdement, mais sa musculature hyper développée lui permet de se relever en un éclair, tandis que sa bécane explose un peu plus loin.

Le mutant géant mesure au moins le double de sa propre taille, cependant Kaldor Byron est plus frappé par l’horreur vivante qu’est son corps ravagé : un mélange de chair à vif, de boursouflures, et de pourriture suintante. Son arme tâchée de sang est greffée à l’extrémité de son bras gauche, si l’on peut appeler ainsi ce mélange de soudure et de tiges métalliques grossièrement enfoncées de part en part de son membre démesuré.

Ses deux têtes hideuses poussent ensemble un rugissement guttural et la créature se jette sur Byron, une lueur mauvaise dans ses huit yeux. Le cercle de métal en rotation s’abat avec une vitesse foudroyante, mais le coup est esquivé par un salto arrière. Le mutant revient à la charge, mais cette fois l’énergie fournie par la Pierre de Souffrance fait largement la différence : alors que son bras s’abat à nouveau, il est sectionné dans une gerbe de sang. Puis c’est au tour de sa jambe gauche, puis droite. Enfin, son dernier bras.

Le mutant s’effondre misérablement aux côtés de sa propre arme, qui continue de rugir avidement sur le sol. La scie circulaire pénètre avec lenteur son flanc, dans une dernière étreinte sanglante et mortelle. Mais c’est Kaldor Byron qui porte le coup de grâce, d’un puissant uppercut en pleine poitrine qui fait littéralement exploser ce qui reste de la créature. La Pierre se gorge de l’énergie qui s’en dégage, puis l’extermination des derniers mutants restants apaise sa soif – pour l’instant.

 

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